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que cette action a pour termes en sont les objets, pourquoi done enseigne-t-il qu'il faut les appeler sujets? Pour ne pas être exposé à confondre le principe avec le terme, ni le terme avec le principe, j'appellerais toujours objet le terme d'une action, quelle qu'elle fût, intentionnelle ou réelle; et le principe d'une action, ou le nominatif du verbe, serait seul appelé sujet de la proposition ou sujet du verbe ; mais je reconnaîtrais le terme et le sujet pour objets de notre pensée.

Quoique dans toutes les langues nouvelles on évite comme une faute de joindre le nom au verbe dont il est formé, et que l'on ne dise pas combattre un grand combat, on dit pourtant chanter une chanson, danser une danse. Voyez le texte de la Grammaire raisonnée, page 178 et suiv.

CHAPITRE XIX.

Des Verbes impersonnels.

Ce chapitre manque tout entier dans la première édition de Port-Royal, faite en 1660 chez Le Petit.

La définition que l'on y donne du verbe impersonnel, est tirée de la Minerve de Sanctius, liv. I, chap. XII.

Impersonale illud omninò deberet esse quod numeris, personis et temporibus careret, quale est amare et amari; quod propterea verè dicitur infinitum, quod neque numeros, neque personas, neque tempora finiat, nec determinet: quæ omnia in verbis finitis, ut amabo, docebis, præscripta inveniuntur.

Ainsi ce que l'on appelle impersonnel ne l'est pas, même dans notre langue : car quand nous disons, on court, on aime, etc. Cet on vient du latin homo; nos pères disaient hom: nou y a hóm sus la terre. Les Allemands disent man sagt et man kan; comme nous disons, on dit, on peut. M. l'abbé Raguenet a remarqué que dans les anciens manu

scrits français on trouve ung dit, que cet ung se prononçait à l'italienne oun, d'où est venu on.

L'une et l'autre de ces étymologies font également connaître la nature de notre on, qui est non une particule, mais un pronom indéterminé mis à la place du nom qu'on ne dit pas. On est le sujet de la proposition; c'est le nominatif du verbe. On dit équivaut à un homme dit, quelqu'un dit: voilà le tour français. Les Latins se servaient de ces autres expressions, les hommes disent, une telle chose est dite, nous disons, etc.

Dans cette phrase, il y a des hommes qui disent : il y a, que l'on regarde comme impersonnel, ne l'est pas ; il est là un terme abstrait qui représente une idée générale, l'être en général : illud, quod est ibi, habet homines qui dicunt. Dans la bonne latinité on prend cet autre tour, sunt qui dicnnt, en sous-entendant homines; des hommes sont qui disent. Notre il répond au res des Latins, res ita se habet, il est ainsi, etc. Nos pères écrivaient a, verbe, avec une h : il ha, d'habet. Il y a des gens qui : il, c'est-à-dire, l'être métaphysique a quelques-uns de les gens qui... Il est des hommes: il, c'està-dire, l'être général est du nombre de les hommes qui. Il faut du vin il, c'est-à-dire, une portion de le ou du vin faut, faillit, manque : illud nempè pars de vino deficit.

A l'égard de refert et interest, que l'on met ordinairement au rang des prétendus impersonnels, Sanctius et Scioppius, d'après Calcagnigni, Scaliger et Donat, veulent qu'avec ces deux verbes, ces cas, mea, tua, sua, nostra, vestra, soient des accusatifs neutres : mea interest équivaut à interest inter mea negotia.

Vossius, au contraire, de constructione, c. XXIX, et après lui, l'auteur de la Méthode latine, règle x1 de la syntaxe, prétendent que mea, tua, etc., sont à l'ablatif féminin ; mais à tort, comme l'a démontré Perizonius dans ses notes sur la Minerve de Sanctius (lib. 3, cap. 5).

Vossius appuie son sentiment sur deux raisons : la première, c'est que dans ce passage de Térence (1) Phorm.

(1) Acte V, scène VII, V. 47:

:

Etiam dotatis soleo.—Chr. Quid in nostra? — Phorm. Nihil, la dernière syllabe de nostra paraît être nécessairement longue, et par conséquent à l'ablatif. Mais, répond Perizonius, les vers iambiques de la comédie, comme Horace s'en plaint dans son Art poétique, sont susceptibles de tant de licences, qu'on n'en peut rien prouver ni pour, ni contre. D'ailleurs, ajoute le même Perizonius, je pense qu'on doit lire et scander ainsi ce vers :

Etiam dotatis soleo. — Quid id nostra?

nil.

Il est certain que Térence fait a bref dans ce sens :

Fac tradas, mea nil refert, dum potiar modo (1). La seconde raison sur laquelle Vossius appuie son sentiment, c'est que dans ces sortes de phrases il y a une ellipse, dont il croit avoir trouvé le supplément dans ce passage de Plaute :

Mea istuc nihil refert, tua refert gratia.

Il pense donc que toutes les fois qu'on dit refert, interest mea, tua Ciceronis, il faut sous-entendre gratia.

Vossius avait pris ce passage tel qu'il est rapporté dans le le Lexicon philologique de Martinius, et l'auteur de la Méthode latine n'a fait que copier mot à mot Vossius. Aucun des trois n'a vérifié ce vers on le trouve dans Plaute, Persa, act. IV, scen. III, v. 68, mais tout-à-fait différent. Le voici tel qu'il est dans les éditions que Perizonius, que Magnié (2), que M. Du Marsaîs a lues, que j'ai lues moi-même, et que tout le monde peut lire :

Mea quidem istuc nihil refert, tua ego refero gratia.

Par où l'on voit que gratia ne se rapporte point du tout à la phrase mea, tua, refert; par conséquent Martinius, Vossius et Lancelot, qui s'appuyaient sur cet unique passage, n'ont plus aucune raison de soutenir leur sentiment: car on ne dit pas en latin, hoc interest mea gratia, ni refert méa gratia; mais on dit fort bien, hoc interest inter mea negotia, et par abré

(1) Eunuch, acte II, scène IV, v. 28.

(2) C'est l'auteur d'un excellent dictionnaire latin, intitulé Novitius.

viation, hoc interest mea. De même on dit refert mea, au lieu de refert ad mea negotia. Une preuve incontestable de ceci c'est que Plaute, dans la même comédie, act. IV, sc. III, v. 44, a dit:

Quid id ad me aut ad meam rem refert.

CHAPITRES XX, XXI ET XXII.

1

Des Participes. - Des Gérondifs et des Supins.
Des Verbes auxiliaires.

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Nous réunissons ces trois chapitres ensemble, parce que ce n'est qu'à l'occasion des verbes auxiliaires que nous proposerons nos éclaircissements sur les participes, sur les temps composés, sur les gérondifs et sur les supins.

La Grammaire raisonnée (1) reconnaît dans nos verbes deux sortes de prétérits : l'indéfini, j'aimai, je sentis, je vis; le défini, formé du participe passé, aimé, senti, vu, et du verbe avoir, j'ai aimé, j'ai senti, j'ai vu : de ce prétérit défini, en français comme en latin, il se forme d'autres temps, tels que d'amavi, amaveram, amaverim, amavissem, amavero, amavisse; de j'ai aimé, j'avais aimé, j'aurais aimé, j'eusse aimé, j'aurai aimé, avoir aimé. Bien plus, le verbe avoir, comme auxiliaire, n'a ces sortes de temps que par luimême et par son participe eu : j'ai eu, j'avais eu, j'aurai eu, j'eusse eu, j'aurais eu; mais j'avais eu et j'aurai eu ne sont point auxiliaires des autres verbes. On dit bien, sitôt que j'ai eu dîné, quand j'eusse eu diné ou quand j'aurais eu diné, c'est ce qu'on peut appeler temps doublement composés ou surcomposés; mais on ne dit pas j'avais eu diné, ni j'aurai eu dîné. Tout cela se disait apparemment au siècle de Robert Etienne, car dans les conjugaisons de la Grammaire française (1) Page 141, présente édition.

imprimée en 1569, on trouve tous ces temps-là, j'ai eu aimé, j'avais eu aimé, j'eusse eu aimé, j'aurai eu aimé, etc.

La Touche (1) admet un parfait indéfini double, dès que j'ai eu diné, sitôt qu'il a eu écrit, j'ai eu bientôt fait, elle a eu fait en un moment, etc. « Il y a, dit-il, des gens habiles qui condamnent entièrement l'usage de ce temps, et M. Regnier ne l'a point mis dans sa Grammaire; c'est aussi par cette raison que je l'ai retranché des conjugaisons.>>

« Quelquefois, remarque le P. Buffier, les temps sont doublement composés, comme j'ai eu fini, etc., mais ces sortes de temps s'expriment communément par des temps simples, ainsi il ne paraît pas fort nécessaire de s'embarrasser de cette double composition de temps. »

M. Restaut n'a pas mis dans la conjugaison de ses verbes les temps sur-composés; cependant il reconnaît qu'il y en a quelques-uns qui sont d'usage, et il a adopté la dénomination que M. l'abbé de Dangeau leur a donnée.

M. Vallart (2) a donc tort d'assurer que nos auteurs de Grammaires n'ont pas connu les temps sur-composés. La preuve qu'il prétend avoir faite de l'existence de ces temps est donc en pure perte.

La Grammaire raisonnée dit (3) que nos deux participes aimant et aimé, en tant qu'ils ont le même régime que le verbe, sont plutôt des gérondifs que des participes, c'est-àdire, sont incapables de divers genres et de divers nombres. L'abbé Regnier avoue qu'il est de cet avis (4); mais il ne convient pas du principe sur lequel cet avis est appuyé.

On dit en style de pratique, la rendante compte, l'oyante compte, ses ayants cause, les gens tenant notre cour. Voilà des participes féminins et des participes pluriels qui ont le régime actif de leurs verbes. D'ailleurs, quad on dit: c'est un homme craignant Dieu, c'est une femme craignant Dieu, ce sont des gens craignant Dieu; dans ces trois phrases, craignant a le régime de son verbe, il devrait par cette raison être au gérondif: cependant, à considérer la nature du gérondif suivant

(1) Art de bien parler français, tome 1, page 298.

(2) Préface VIII.

(3) Page 145, présente édition.

(4) Pages 519 et 528.

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