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et le régime composé me semblent précisémeut la même chose que le régime objectif et le régime terminatif de M. l'abbé Girard, avec cette différence, que ce qui est exposé par ce dernier académicien d'une manière prolixe et obscure, est expliqué par les deux premiers avec beaucoup de netteté et de précision, et dans un goût qui est propre à chacun des deux. M. l'abbé Wailly, dans sa nouvelle Grammaire française, a adopté, avec raison, le même principe.

« Corneille et Ménage ont fait deux exceptions à cette règle, continue M. l'abbé Girard (1): ils prétendent que, quand le sujet qui régit le verbe se trouve placé après ce verbe, il n'y a plus de concordance à observer, non plus que quand ce sujet est énoncé par le pronom cela; et au lieu de dire : vous reconnaissez les peines qu'a prises votre maître pour votre éducation, vous sentez les soins que cela a exigés, ils disent les peines qu'a pris votre maître, les soins que cela a exigé. Mais, ajoute-t-il, il me paraît que cette exception ne subsiste plus; je vois la règle générale également observée dans ces exemples par le plus grand nombre.>>

<< Je vois que nos meilleurs écrivains ont été les plus fidèles observateurs de la règle générale, et n'ont point eu d'égard à cette prétendue exception, que Vaugelas appelle belle et curieuse, dit M. l'abbé d'Olivet (2).

On lit dans le Britannicus de Racine, act. V, sc. I:

Ces yeux que n'ont émus ni soupirs ni terreur.

Boileau, dans la septième Réflexion sur Longin, dit : la langue qu'ont écrite Cicéron et Virgile. Malherbe, dans son Tite-Live, dit la légion qu'avait eue Fabius, etc. Ainsi, dans l'épigramme suivante, traduite d'Ausone par M. Charpentier: Pauvre Didon, où l'a réduite,

De deux amants, le triste sort ?
L'un, en mourant, cause ta fuite;
L'autre, en fuyant, cause ta mort,

il n'y a point de faute contre la langue » : réduite, au féminin,

(1) Tome II, page 127.

(2) Opusc. sur la langue française, page 372.

est bien, quoique le nominatif soit après le verbe; réduit, au masculin, serait une faute, quoi qu'en dise l'auteur des Jugements sur les Ouvrages nouveaux (1).

Ce que M. l'abbé Dangeau appelle participe auxiliaire, M. Du Marsais l'appelle supin. La distinction lumineuse que ce profond Grammairien met entre le supin qui est actif, toujours indéclinable, et le participe qui est passif, toujours déclinable, me semble bien propre à confirmer le principe que M. l'abbé Girard, M. l'abbé d'Olivet et M. Duclos ont publié sur les participes. D'ailleurs, ce principe est appuyé sur des exemples tirés de Malherbe, de Charpentier, de Boileau, de Racine, etc.; il paraît assez généralement adopté par l'Académie française: il doit donc faire loi dans la Grammaire comme dans la langue.

Il faut donc que M. Restaut réduise à cette règle unique et générale les quatre règles qu'il a établies d'après M. l'abbé Regnier des Marais, parce que le sentiment de cet ancien académicien n'est pas aujourd'hui « celui qui doit être d'une grande autorité, pour ce qui regarde les difficultés de notre langue sur les participes. » Règle unique, principe général, qui ne souffre point d'exceptions, ou qui n'en souffre tout au plus qu'une seule; c'est quand le participe et l'auxiliaire avoir forment un verbe que l'on appelle impersonnel : les chaleurs excessives qu'il a faites ou fait, l'été dernier, ont causé bien des maladies; la grande inondation qu'il y a eu ou eue, l'hiver passé, a causé des ravages considérables (2).

Les Allemands ont trois verbes auxiliaires, haben, avoir, seyn, être, werden, devenir. Ce dernier sert à former le futur de tous les verbes actifs; il sert aussi à former les temps des verbes passifs, conjointement avec tous le participe du verbe sur quoi il faut observer qu'en allemand, ce participe ne change jamais, ni pour la différence des genres, ni pour celle des nombres; il garde toujours la même terminaison.

« La première occasion où l'auxiliaire étre prend la place de l'auxiliaire avoir, dit la Grammaire raisonnée (3), est dans

(1) Discours en tête de son Virgile français, page 36.

(2) M. l'abbé d'Olivet, Opusc. sur la langue française, page 375. (3) Page 147, présente édition.

tous les verbes actifs, avec le réciproque se, qui marque que l'action a pour sujet ou pour objet, celui même qui agit. »

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Me, te, nous, vous, marquent, comme se, que l'action a pour objet la personne même qui agit : je me suis blessé; tu t'es blessé toi-même; nous nous sommes blessés; vous vous étes bles sés vous-mêmes; Caton s'est tué; Razias de Jérusalem et Caton d'Utique se sont tués eux-mêmes; il s'est distingué, ils se sont distingués eux-mêmes; quand on s'est élevé mal à propos, on doit craindre d'être rabaissé. Dans toutes ces phrases, celui qui fait l'action, et celui sur qui tombe l'action, est la même personne; et pour parler exactement, il faudrait nommer identique ou réfléchi, le pronom qui précède tout verbe dont l'action se termine à la personne même qui agit. C'est avec beaucoup de raison que M. l'abbé de Dangeau appelle ces sortes de verbes, verbes identiques. On ne devrait nommer réciproque que le pronom qui précède des verbes dont le sujet ou le nominatif est pluriel, et signifie des personnes qui agissent réciproquement les unes sur les autres.

Il est bon d'observer qu'être et avoir ne marquent pas euxmêmes ni l'action, ni la passion; l'une et l'autre ne sont marquées que par le participe, et les façons de parler dont il s'agit en cet endroit ne viennent que de l'usage (1).

CHAPITRE XXIII.

Des Conjonctions et des Interjections.

Les conjonctions ne signifient pas proprement l'objet de notre pensée, elles ne signifient que la manière dont notre esprit considère tout ce qui peut être l'objet de notre pensée; elles n'expriment que l'opération de notre esprit qui joint ou disjoint les choses, qui les assure ou les nie, qui les considère absolument ou relativement. Par exemple, il n'y a point hors de notre esprit d'objet qui réponde à ces conjonctions, si, non, mais il est clair qu'elles marquent le jugement que (1) Grammaire raisonnée, page 147, présente édition.

nous faisons qu'une chose est ou n'est pas une autre (1).

« Comment caractériser ce qu'on appelle tour d'expression ou mouvement d'âme, demande M. l'abbé Girard (2), par exemple, l'interrogation, la démonstration, l'aveu, l'assertion, le commandement, l'imprécation, l'admiration, l'extrait, la sensibilité et autres tours pareils? Car l'homme a non seulement envie de faire connaître (les objets) l'essentiel et l'étendue de sa pensée, il veut de plus en manifester (la forme) la manière, c'est-à-dire, ce dont l'âme est elle-même affectée dans sa propre opération. Il faut donc que la parole puisse également présenter les images que nous formons, et les impressions que ces images font sur nous, ou que nous voulons qu'elles fassent sur ceux à qui nous les communiquons.>>

« Les conjonctions, dit cet académicien (3), sont proprement la partie systématique du discours, puisque c'est par leur moyen qu'on assemble les phrases, qu'on lie les sens, et que l'on compose un tout de plusieurs portions, qui sans cela paraîtraient comme des énumérations ou des listes de phrases, et non comme un ouvrage suivi et affermi par les liens de l'analogie, par les conséquences et les enchaînements de la raison. »

L'ordre que M. l'abbé Girard a gardé, a été suivi par M. Du Marsais (4), qui finit son traité de la conjonction en avertissant qu'il y a des adverbes et des prépositions qui sont aussi des conjonctions composées; par exemple, afin que, parce que, à cause que, etc., sont des mots bien différents du simple adverbe et de la simple préposition, qui ne font que marquer une circonstance ou une manière d'être du nom ou du verbe.

L'usage ordinaire de la conjonction est de joindre ensemble deux noms, deux verbes, deux circonstances, deux phrases etc.: un bon officier est soldat et capitaine, il sait obéir et commander, il agit prudemment et courageusement, il aime la guerre et estime les sciences.

(1) Si (affirmation) et non ne sont pas des conjonctions; ces deux mots équivalent à des verbes. (Note de l'Editeur.)

(2) Tome I, page 77.

(3) Tome II, page 257.
(4) Voyez l'Encyclopédie.

DES INTERJECTIONS.

Ce qu'on appelle communément interjection est, selon le P. Buffier (1), un terme de supplément, lequel étant joint à certains gestes ou tons de voix, supplée quelquefois, nonseulement à des mots, mais encore à des phrases entières qui exprimeraient de la douleur, du mépris, de l'étonnement, ou tout autre mouvement de l'âme; par exemple, ouf supplée à ces termes : je ressens une vive et subite douleur. La plupart des interjections sont d'une seule syllabe, comme si l'âme voulait marquer dans ses mouvements l'impatience où elle est de s'énoncer.

M. l'abbé Girard n'a pas donné à cette partie d'oraison le nom d'interjection (2), parce que ce mot ne lui paraît pas avoir l'air assez français, et que le sens en est trop restreint. Il l'appelle particule, c'est-à-dire, non en général une petite partie du discours ou une sorte de petits mots, mais en particulier un mot dont l'emploi modificatif consiste à énoncer une affection dans la personne qui parle. La particule, selon lui, ajoute à la peinture de la pensée l'image de la situation; soit de l'âme qui sent, soit de l'esprit qui peint. Cette double situation a produit deux ordres de particules, les unes de sensibilité auxquelles il donne le nom d'interjectives, les autres de tournures de discours qu'il appelle discursives.

On ne sait pourquoi M. l'abbé Girard se sert ici du nom d'interjectives, lui à qui le nom d'interjection ne paraît pas avoir l'air assez français.

<«< L'interjection, considérée par rapport à la nature, est peutêtre la première voix articulée dont les hommes se soient servis, dit l'abbé Regnier (3). Quoique l'interjection, considérée par rapport à la Grammaire, contribue fort à l'expression des sentiments, comme elle ne contribue en rien à la liaison et à la forme du discours, on la place d'ordinaire ça et là en parenthèse, de manière qu'en la détachant de la phrase le sens n'en souffre point. >>

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