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Ainsi la distinction des deux nombres, singulier et plurier, a obligé d'accorder le substantif avec l'adjectif en nombre, c'est-à-dire, de mettre l'un au singulier ou au plurier, quand l'autre y est; car le substantif étant le sujet qui est marqué confusément, quoique directement, par l'adjectif, si le mot substantif marque plusieurs, il y a plusieurs sujets de la forme marquée par l'adjectif, et par conséquent il doit être au plurier; homines docti, hommes doctes.

La distinction du féminin et du masculin a obligé de même de mettre en même genre le substantif et l'adjectif, ou l'un et l'autre quelquefois au neutre, dans les langues qui en ont; car ce n'est que pour cela qu'on a inventé les genres.

Les verbes, de même, doivent avoir la convenance des nombres et des personnes avec les noms et les pronoms.

Que s'il se rencontre quelque chose de contraire en apparence à ces règles, c'est par figure, c'est-à-dire, en sous-entendant quelque mot, ou en considérant les pensées plutôt que les mots même, comme nous le dirons ci-après.

La syntaxe de régime, au contraire, est presque toute arbitraire, et par cette raison se trouve trèsdifférente dans toutes les langues: car les unes font les régimes par les cas; les autres, au lieu de cas, ne se servent que de petites particules qui en tiennent lieu, et qui ne marquent même que peu de ces cas,

comme en françois et en espagnol on n'a que de et à qui marquent le génitif et le datif; les Italiens y ajoutent da pour l'ablatif. Les autres cas n'ont point de particules, mais le simple article, qui même n'y est pas toujours.

On peut voir sur ce sujet ce que nous avons dit ci-dessus des prépositions et des cas.

Mais il est bon de remarquer quelques maximes générales, qui sont de grand usage dans toutes les langues.

La première, qu'il n'y a jamais de nominatif qui n'ait rapport à quelque verbe exprimé ou sous-entendu, parce que l'on ne parle pas seulement pour marquer ce que l'on conçoit, mais pour exprimer ce que l'on pense de ce que l'on conçoit, ce qui se marque par le verbe.

La deuxième, qu'il n'y a point aussi de verbe qui n'ait son nominatif exprimé ou sous-entendu, parce que le propre du verbe étant d'affirmer, il faut qu'il y ait quelque chose dont on affirme, ce qui est le sujet ou le nominatif du verbe, quoique devant les infinitifs il soit à l'accusatif: scio Petrum esse doctum.

La troisième, qu'il n'y peut avoir d'adjectif qui n'ait rapport à un substantif, parce que l'adjectif marque confusément un substantif, qui est le sujet de la forme qui est marquée distinctement par cet adjectif: Doctus, savant, a rapport à quelqu'un qui soit savant.

La quatrième, qu'il n'y a jamais de génitif dans le discours, qui ne soit gouverné d'un autre nom; parce que ce cas marquant toujours ce qui est comme le possesseur, il faut qu'il soit gouverné de la chose possédée. C'est pourquoi ni en grec, ni en latin, aucun verbe ne gouverne proprement le génitif, comme on l'a fait voir dans les Nouvelles Méthodes pour ces langues. Cette règle peut être plus difficilement appliquée aux langues vulgaires, parce que la particule de, qui est la marque du génitif, se met souvent pour la préposition ex ou de.

La cinquième, que le régime des verbes est souvent pris de diverses espèces de rapports enfermés dans les cas, suivant le caprice de l'usage, ce qui ne change pas le rapport spécifique à chaque cas, mais fait voir que l'usage en a pu choisir tel ou tel à sa fantaisie.

Ainsi l'on dit en latin juvare aliquem, et l'on dit, opitulari alicui, quoique ce soit deux verbes d'aider, parce qu'il a plu aux Latins de regarder le régime du premier verbe, comme le terme où passe son action, et celui du second comme un cas d'attribution, à la+ quelle l'action du verbe avoit rapport.

Ainsi l'on dit en françois, servir quelqu'un, et servir à quelque chose.

Ainsi, en espagnol, la plupart des verbes actifs gouvernent indifféremment le datif ou l'accusatif.

Ainsi un même verbe peut recevoir divers régimes, sur-tout en y mêlant celui des prépositions, comme

præstare alicui, ou aliquem, surpasser quelqu'un. Ainsi l'on dit, par exemple, eripere morti aliquem, ou mortem alicui, ou aliquem à morte; et semblables.

Quelquefois même ces divers régimes ont la force de changer le sens de l'expression, selon que l'usage de la langue l'a autorisé : car, par exemple, en latin cavere alicui, est veiller à sa conservation, et cavere aliquem, est se donner de garde de lui; en quoi il faut toujours consulter l'usage dans toutes les langues.

Des figures de construction.

CE que nous avons dit ci-dessus de la syntaxe, suffit pour en comprendre l'ordre naturel, lorsque toutes les parties du discours sont simplement exprimées, qu'il n'y a aucun mot de trop ni de trop peu, et qu'il est conforme à l'expression naturelle de nos pensées.

Mais parce que les hommes suivent souvent plus le sens de leurs pensées, que les mots dont ils se servent pour les exprimer, et que souvent, pour abréger, ils retranchent quelque chose du discours, ou bien que, regardant à la grace, ils y laissent quelque mot qui semble superflu, ou qu'ils en renversent l'ordre naturel; de là est venu qu'ils ont introduit quatre façons de parler, qu'on nomme figurées, et qui sont comme autant d'irrégularités dans la Grammaire,

quoiqu'elles soient quelquefois des perfections et des beautés dans la langue.

Celle qui s'accorde plus avec nos pensées, qu'avec les mots du discours, s'appelle SYLLEPSE, ou Conception; comme quand je dis, il est six heures : car, selon les mots, il faudroit dire, elles sont six heures, comme on le disoit même autrefois, et comme on dit encore, ils sont six, huit, dix, quinze hommes, etc. Mais parce que ce que l'on prétend n'est que de marquer un temps précis, et une seule de ces heures, savoir, la sixième, ma pensée qui se jette sur cellelà, sans regarder aux mots, fait que je dis, il est six heures, plutôt, qu'elles sont six heures.

Et cette figure fait quelquefois des irrégularités contre les genres, comme ubi est scelus qui me perdidit? contre les nombres, comme, turba ruunt; contre les deux ensemble, comme, pars mersi tenuêre ratem, et semblables.

Celle qui retranche quelque chose du discours, s'appelle ELLYPSE, ou Défaut; car quelquefois on sous-entend le verbe, ce qui est très-ordinaire en hébreu, où le verbe substantif est presque toujours sous-entendu ; quelquefois le nominatif, comme pluit, pour Deus, ou natura pluit; quelquefois le substantif, dont l'adjectif est exprimé : paucis te volo, sup. verbis alloqui; quelquefois le mot qui en gouverne un autre, comme: est Roma, pour est in urbe Romæ ; et quelquefois celui qui est gouverné, comme faci

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