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n'est que le rapport mutuel de leurs fonctions particulières. Le nombre et la qualité de ces fonctions différentes constatent les parties de la structure de la phrase, et de l'expression de la pensée. Pour cela, cet académicien trouve d'abord qu'il faut un sujet et une attribution à ce sujet; il trouve ensuite que l'attribution, outre son sujet, peut avoir un objet, un terme, une circonstance modificative, une liaison avec une autre, et de plus un accompagnement étranger, ajouté comme un hors-d'œuvre, simplement pour servir d'appui à quelqu'une de ces choses, ou pour exprimer un mouvement de sensibilité, occasionné dans l'âme de celui qui parle. Voilà donc sept parties constructives, ou sept différentes fonctions que les mots doivent remplir dans la composition de la phrase. I les appelle subjectif, attributif, objectif, terminatif, circonstanciel, conjonctif, adjonctif. Par l'analyse de la période suivante, il rend ses définitions assez sensibles. Monsieur, quoique le mérite ait ordinairement un avantage solide sur la fortune; cependant, chose étrange! nous donnons toujours la préférence à celle-ci.

« Cette période est composée de deux phrases, dont chacune contient les membres mentionnés.

« Le subjectif est énoncé dans la première phrase par le mérite, dans la seconde par nous, parce que chacun de ces deux inots y représente un sujet à qui l'on attribue une action qui est pour le mérite celle d'avoir, etc., et pour nous celle de donner, etc.; le subjectif est en régime dominant.

« L'attributif se voit dans ait et donnons, puisqu'ils y servent à appliquer l'évènement au sujet : ce que chacun fait, en suivant le régime auquel l'assujétit son subjectif, ait se trouvant au singulier et à la troisième personne pour se conformer à son subjectif qui est le mérite, et donnons à la première personne du pluriel, parce que nous qui est son subjectif, est de pareil nombre et de pareille personne.

« L'objectif est exprimé dans l'une de ces phrases par un avantage solide, et dans l'autre par la préférence; car ils y fixent l'attribution à un objet déterminé entre tous ceux qu'elle pourrait avoir, en nommant la chose qu'on veut que le mérite ait, et celle que nous donnons.

« Le terminatif qui représente le terme où se porte l'attribution, soit générale, soit spécifiée par quelque chose, paraît visiblement dans ces mots sur la fortune, et dans ces autres à celle-ci.

« Le circonstanciel de la première phrase est ordinairement, celui de la seconde toujours, puisque ces deux mots n'ont là d'autre service que d'énoncer une circonstance qui modifie l'attribution en forme d'habitude.

« Le conjonctif se présente ici dans les mots quoique et eependant; ils y lient les deux sens exprimés par les deux phrases, de manière que l'un a rapport à l'autre, et qu'il en résulte un sens complet qui fait celui de la période.

« L'adjonctif est, dans le premier membre de la période, Monsieur; dans le second, chose étrange. Car, peu essentiels à la proposition, ils ne sont là que par forme d'accompagnement: l'un, pour appuyer par un tour d'apostrophe; l'autre, pour joindre à l'expression de la pensée celle du mouvement de surprise ou de blâme. »>

J'aurais souhaité qu'à ces sept membres l'auteur en eût ajouté un huitième, c'est l'affirmatif. Car, outre le subjectif et l'attributif qui expriment le sujet et l'attribut, il y a un affirmatif, c'est-a-dire, un mot par lequel on affirme l'attribut du sujet, on lie l'un avec l'autre ; et ce mot c'est le verbe simple ou substantif, que M. l'abbé Girard aurait dû distinguer, ce me semble, d'avec les verbes composés ou adjectifs, afin de ne pas confondre l'attributif avec l'objectif, comme il le fait dans cette phrase :

Votre fils et votre fille sont et seront toujours la cause de vos maux et la source de vos chagrins (1).

Les verbes substantifs sont et seront, énoncent une affirmation présente et future, non pas une attribution. La cause, etc., la source, etc., renferment deux attributs et non pas deux objets : le terme de l'action d'un verbe adjectif actif, est un objet ; mais ce que le verbe substantif lie avec le sujet, s'appelle attribut: ce qui affirme, ou le verbe, et ce qui est affirmé, ou l'attribut, me paraissent deux choses bien différentes.

(2) Tome I, page 108.

Cet académicien (1) considère la phrase par quatre points de vue 1o par le sens, 2° par le nombre des membres, 3° par l'énonciation de ces membres, 4o par la forme de la structure.

La phrase, considérée par rapport au sens, est de trois espèces subordinative, relative et détachée.

Si on examine le nombre des membres de la phrase, on la trouve simplifiée, compliquée, implicite.

La phrase, vue par la forme de la structure, est expositive, impérative, interrogative.

« Quiconque peut pousser l'application d'esprit un peu audelà de celle qu'exige la lecture des romans, dit ce subtil Grammairien, trouvera qu'en réduisant les phrases à douze classes, j'ai suivi une analyse exacte, un ordre clair et un goût sûr, capable de donner à l'expression la finesse de la pensée, de répandre sur le discours la lumière de l'intelligence, et d'en rendre la suite conséquente.»>

Le régime, à ce qu'il assure, n'est pas moins bien analysé que la phrase: c'est un concours de mots pour exprimer un sens; ainsi, le régime suppose un but et des moyens pour y parvenir.

Le régime, considéré par rapport au but, tend ou à la structure de la phrase par le moyen des sept parties constructives, ou à la simple expression de ces parties par les mots qui doivent les énoncer. Dans le premier cas, c'est le régime constructif; dans le second, c'est le régime énonciatif.

Le régime, considéré par rapport aux moyens nécessaires pour parvenir à la structure de la phrase, ou à l'énonciatiou des membres, a deux objets : 1o d'ordonner des places et de l'arrangement des mots : c'est le régime dispositif; 2o de décider de la parure et de la forme des mots : c'est le régime de concordance. Toutes ces observations, bien démêlées, bien entendues, font voir, selon M. l'abbé Girard, que l'art de la construction consiste à savoir quel arrangement et quelle forme il faut donner, tant aux membres qui composent la structure de la phrase, qu'aux mots qui servent à énoncer ces membres.

Ce qui regarde le régime énonciati est-à-dire, la place

(1) Page 110.

et la forme des mots, ou les lois particulières de la construction, est exposé dans le courant de chaque discours fait sur chacune des parties d'oraison; mais dans le troisième discours, M. l'abbé Girard (1) ne parle que du régime constructif, c'est-à-dire, de la place et de la forme des membres de la phrase, ou de ce qui concerne les lois générales de la construction.

Dans les langues transpositives, dit-il, l'arrangement des membres de la phrase semble presque arbitraire, il suit la force de l'imagination : l'on y fait ordinairement précéder ce dont on est le plus frappé, ou ce dont on veut d'abord porter l'image dans l'esprit des auditeurs; de plus, la terminaison, ou ce qu'on nomme cas, y produit des variations dans la forme, selon la diversité des fonctions.

Dans les langues analogues, telles que la nôtre, la terminaison ne sert point à distinguer les membres de phrase; ainsi le régime de construction n'a guère recours à celui de concordance, qu'en ce qui regarde le verbe.

L'arrangement des membres de la phrases, ou le régimedispositif, supplée à ce que la terminaison ne fait pas. Le régime constructif en tire tous les moyens de parvenir à son but. Voilà pourquoi rien, ou peu de choses d'arbitraire, à l'égard de l'ordre grammetical: il est presque toujours décidé, quoiqu'il ne soit pas toujours le même ; il varie, mais cette variation est de règle, et dépend principalement de trois sortes de formes, dont la phrase est susceptible, selon qu'elle est, ou expositive, ou impérative, ou interrogative, l'arrangement de ses parties en reçoit différentes influences, auxquelles se réduit en détail le régime constructif des membres de la phrase; et tout ce qu'on en peut dire se trouve renfermé dans dix règles claires et précises, qui, quelque nouvelles qu'elles paraissent, ne sont pourtant que le bon usage attentivement considéré et méthodiquement rendu, à ce que prétend M. l'abbé Girard; on en peut juger par la lecture de cet endroit dans le livre même. Il se donne pour un auteur (2) qui ose parler le vrai langage de la Grammaire française, et qui

(1) Tome I, page 128. (2) Tome I, page 129.

procure à notre langue, en métaphysique, presque le même triomphe que l'illustre et vénérable M. de Fontenelle lui a fait remporter si glorieusement dans le physique; il se flatte que son zèle, accusé d'abord de témérité, sera assez heureux pour produire de sages retours sur les principes du vrai. Ce que ce digne Académicien avait prévu est arrivé, et M. Du Marsais, qui avait commencé par s'attacher à le critiquer, a fini par s'appliquer à l'imiter, et même à le surpasser, dans la composition de l'ouvrage grammatical destiné à l'Encyclopédie. Le traité de la Construction en particulier est digne de l'attention de tous les connaisseurs ; l'application qu'il fait de ses principes à l'Idylle des Moutons, de Me Deshoulières, me paraît un chef-d'œuvre en ce genre.

<<< Il y a, dans les langues, différence et uniformité : différence dans le vocabulaire ou la nomenclature qui énonce les noms des objets et ceux de leurs qualificatifs, dans les terminaisons qui sont les signes de l'ordre successif des corrélatifs, dans l'usage des métaphores, des idiotismes, des tours de la construction; il y a uniformité, en ce que partout la pensée à énoncer est divisée par les mots qui en représentent les parties, et que ces mots ont des signes de relations. » << Mais je crois, dit ce grammairien philosophe, qu'on ne doit pas confondre construction avec syntaxe, parce que construction ne présente que l'idée de combinaison et d'arrangement. Cicéron a dit, selon trois combinaisons différentes, accepi litteras tuas, tuas accepi litteras, et litteras accepi tuas. Il y a là trois constructions, puisqu'il y a trois différents arrangements de mots; cependant il n'y a qu'une syntaxe, car dans chacune de ces constructions, il y a les mêmes signes des rapports que les mots ont entr'eux : ainsi ces rapports sont les mêmes dans chacune de ces phrases. Chaque mot de l'une indique également le même corrélatif qui est indiqué dans chacune des deux autres, en sorte que quand on a achevé de lire ou d'entendre chacune de ces propositions, l'esprit voit également que litteras est le déterminant d'accepi, que tuas est l'adjectif de litteras: ainsi chacun de ces trois arrangements excite dans l'esprit un seul et même sens, j'ai reçu votre lettre. Or ce qui fait en chaque langue que les mots excitent le sens

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